LA SEINE, FLEUVE D’EUROPE (II)

Le bassin de la Seine, fleuve d’Europe et ses affluents, occupent 14% de la superficie de la France et un petit bout de la Belgique. Son bassin hydrographique est donc très vaste et alimente tout le bassin parisien et au delà. Il faut donc le protéger tout en maintenant son utilité économique, majeure pour la France et l’Europe, avec les conflits d’usage que cela entraîne.

Version remaniée par l’auteur d’un précédent article publié le 7/05/2022.

UN BASSIN VERSANT À PROTÉGER.

Des dimensions européennes

la Seine: son bassin hydrographique

Ce fleuve n’est pas seulement un axe, c’est aussi un bassin versant, le plus vaste de France.

La Seine et ses affluents occupent, en effet, une superficie de 78 650 km², soit 14 % de la superficie de la France métropolitaine. Elle regroupe aussi près de 30 % de la population de la France et un petit bout du territoire Belge : l’Oise prend sa source à Chimay, en Wallonie. De plus, 15 départements français portent le nom de la Seine ou de l’un de ses affluents. Elle apporte aussi de l’eau en abondance au sol souvent très riche du Bassin parisien… Entre Meuse et Loire, le bassin hydrographique de la Seine fait transition entre le bassin du Rhin et Meuse, au nord-est, et celui de la Loire, au sud.

Des eaux de surface à préserver

Le bassin de la Seine est un territoire dans lequel l’agriculture joue un rôle central. Plus de 60% de la surface du bassin, soit 5,7 millions d’hectares, sont consacrés à l’agriculture, plus particulièrement à la culture des céréales et du colza. À partir de 1950, l’agriculture du bassin, qui était encore largement basée sur la polyculture et l’élevage, s’est fortement spécialisée dans la céréaliculture intensive, au cœur du Bassin (Beauce, Brie, Vexin, Plaine du Neubourg). Elle est alors devenue très dépendante des intrants chimiques tels que les engrais et les pesticides. Ces pratiques agricoles ont des conséquences  négatives sur les milieux aquatiques du bassin de la Seine.

Des eaux de surface polluées

Des eaux souterraines à protéger

Or, les nappes d’eau souterraines sont extrêmement sollicitées pour la céréaliculture. Ces nappes s’écoulent beaucoup plus lentement que les eaux de surface. Des cartes rendent compte de la pollution systémique et durable des eaux.

L’état chimique des eaux souterraines est toutefois en légère amélioration depuis 2015. Cette progression modeste s’explique par la forte inertie de ces milieux. En effet, plusieurs années sont nécessaires à la migration des polluants dans le sol et au renouvellement des eaux souterraines. Les principaux polluants décelés dans les eaux souterraines sont les nitrates et les pesticides. Ils ont essentiellement pour origine les émissions liées à l’activité agricole. Les nappes souterraines sont également atteintes par les pollutions urbaines et industrielles.

Une pollution alarmante des eaux souterraines.

Des industries polluantes

L'incendie de Lubrizol

Incendie de l'usine Lubrizol

Les eaux courantes, très chargées en divers polluants dont les microplastiques et autres polluants industriels, ont vu leur qualité s’améliorer depuis trois décennies. Dans les années 1970, des phosphogypses étaient directement déversés dans la Seine, ou entassés dans la forêt du Rouvray. Il reste encore beaucoup à faire…

Des fumées toxiques sans frontières

L’incendie de  l’usine Lubrizol, le 26 septembre 2019,  a par exemple dégagé un panache de fumée noire. Ce dernier fortement chargé en suies toxiques, migrera jusqu’à la région Hauts de France, poussé par des vents de Sud-Ouest. Les pluies pollueront les sols de cette partie du bassin versant de la Seine. Au point que la consommation de produits alimentaires venant de sols des régions traversées seront interdits à la consommation pendant plusieurs semaines.

Dispersion du panache de fumées

De nombreux sites Seveso

localisation des sites Seveso

Les sites Seveso, potentiellement dangereux pour les populations avoisinantes, de seuil haut ou bas, sont, à Rouen très proches des zones d’habitation denses de la ville …

Notre estuaire de la Basse Seine est hélas le réceptacle de cette pollution des eaux et des airs, par les échanges permanents eau-atmosphère. Nous sommes la partie étroite de l’entonnoir du bassin versant. De ce point de vue, elle est victime de cette course à la productivité … Mais elle en bénéficie également puisqu’elle concentre de nombreux flux de produits agricoles, dont les céréales. Le port de Rouen en occupe la 1ère place européenne pour l’exportation.

Rouen, 1er port exportateur de céréales d’Europe : à quel prix?

En effet, Rouen est accessible à des navires de fort tonnage, bien qu’à plus de 100 km de la mer, grâce un dragage constant du chenal et des marées qui remontent jusqu’à ses quais. Le port est aussi au débouché du bassin parisien, 1ère région céréalière de France.

Ainsi, en 2020, 10 millions de tonnes de céréales à destination principalement du Maghreb et de la Chine ont été exportées. La voie ferrée achemine environ 10% de ce tonnage, le reste en camions ou barges, jusqu’au port de Rouen. Aussi la décarbonation du fret sur la Seine a-t-elle une belle marge de progression puisqu’une barge de céréales, c’est 50 camions céréaliers, sans embouteillages, à condition que le carburant soit propre. Les accords de Paris de 2015 et le plan vert européen sont de plus favorables à une montée en régime du transport fluvial.

Livraison de céréales à Grand -Couronne.

LA SEINE : UN CORRIDOR EUROPÉEN, ENTRE MÉDITERRANÉE ET ATLANTIQUE.

Un axe de transport multimodal à développer :

L’alliance entre le fleuve et le rail est encore à développer le long de l’axe Seine. Le camion ne doit intervenir que pour le transport sur les derniers kilomètres. De fait, en France, le transport routier intervient pour plus de 40% dans les émissions de gaz à effet de serre. Haropa, Voies Navigables de France développent une politique en ce sens, soutenus par l’Union Européenne qui a fait de la neutralité carbone en 2050 sa priorité, dans le cadre du Pacte Vert. Cette mutation est en cours, mais elle sera longue.

Pousseur de vrac à Poses

 

Un corridor européen Nord-Sud : des corridors ferroviaires à renforcer…

le RTE-T

L’Union Européenne favorise aussi la création de grands corridors de transports N-S et E-O. On voit sur ce schéma RTE-T (Réseau Trans-européen de Transport) valable pour les années 2020 à 2030 que la Seine est bien placée, aussi bien sur le corridor vers la péninsule ibérique, que celui vers l’Allemagne et l’Italie. L’objectif est donc de développer davantage le transport ferroviaire électrifié, plus décarboné que le transport routier, épaulé sur du transport fluvial, quand les fleuves ou parcours canalisés d’échelle européenne existent…

Vers le nord de l’Europe : des canaux à relier

Il est aussi nécessaire de mieux relier la Seine à son hinterland nord-européen par le canal Seine-nord, qui emprunterait le lit de l’Oise avant de se jeter dans l’Escaut. Le projet a été adopté récemment et sera totalement réalisé à l’échelle de la décennie. Cela permettrait par exemple de reporter sur le canal du pondéreux qui sature actuellement complètement l’A1 en direction de Lille, Bruxelles et au delà … Souvenez vous, une péniche, c’est 50 camions de moins sur la route …

le canal Seine-nord

LA SEINE : UN PARLEMENT?

La Seine à Poses

La Seine doit être protégée : comment ? Il faudrait créer un Parlement de la Seine où seraient arbitrées les décisions d’aménagement et de protection, en lui donnant une personnalité juridique, au même titre que les êtres humains. Elle est en effet, comme d’autres sujets de nature dans le monde, l’objet de multiples conflits d’usage qui ne peuvent se régler, dans la culture démocratique et européenne qui est la nôtre, que par des délibérations démocratiques, des normes. Et non des décisions autoritaires. Ce Parlement de Seine serait élu et s’instituerait en gardien des intérêts supérieurs du fleuve. Développement économique et protection de la nature ne sont pas contradictoires. Il faut juste modérer la démesure productrice actuelle, et placer le curseur au bon endroit.

Seine et affluents contre le réchauffement climatique.

Protéger les zones inondables

La protection des zones humides des berges de la Seine (comme par exemple sur cette image satellite SPOT/1986  de l’estuaire, les marais de Honfleur et les roselières au sud du grand canal du Havre) est un impératif absolu ! Par les échanges eau-atmosphère, il contribue à rafraichir le climat l’été et l’adoucir l’hiver. C’est donc un outil de lutte important contre le réchauffement climatique. En effet, il s’agit de bassins d’expansion naturels de l’eau en cas de crue, mais aussi de territoires à la riche biodiversté. Résister à l’artificialisation des sols et à la multiplication des entrepôts le long des berges de Seine est donc un impératif.

Image Spot- Estuaire

Des paysages inspirants

Les berges de la Seine forment de beaux paysages, inondés de lumières changeantes, sources d’inspiration pour les peintres et les artistes, notamment impressionnistes. Et une ressource touristique majeure, dans des lieux emblématiques comme Giverny, Rouen et ses quais, la route des cerises et Jumièges, le Marais Vernier, Honfleur … Rendre la Seine encore plus attractive sera un puissant projet créateur d’emplois pour les générations à venir.

G.Caillebotte: Régates à Argenteuil
Gustave Caillebotte
Régates à Argenteuil.

Développer les mobilités douces

Les bords de Seine sont aussi depuis longtemps des lieux de loisir et de plaisir. Pourquoi pas un parcours vélo aménagé de bout en bout le long de la Seine et non tronqué, de Paris au Havre ? Comme cela tend à être le cas aujourd’hui ?

Parcours à vélo

Pour y aller

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