LA CORDERIE VALLOIS

La corderie Vallois, musée industriel, est un vestige d’une activité économique passée de la vallée du Cailly, appelée autrefois le petit Manchester rouennais. Les machines sont souvent d’origine britannique. L’industrie textile est, avec la métallurgie, le principal moteur de la 1ère révolution industrielle européenne. La principale source d’énergie est le charbon, qui relaie peu à peu l’énergie hydraulique.

Version remaniée par l’auteur d’un article  publié par Charles Maréchal  en mai 2020.

Un moulin hydraulique créé en 1822

Pour filer le coton

La roue du moulin mue par la rivière du Cailly

Située le long du Cailly, à Notre-Dame de Bondeville, l’histoire de la Corderie Valois est inséparable de l’industrie cotonnière rouennaise du XVIIIe au XXe siècle. L’industrie cotonnière prend son essor dans les vallées des affluents au nord de la Seine. En effet, la mode des indiennes (les habits de coton à la mode indienne) commence à se répandre dans la bonne société. Au milieu du XVIIIe siècle, la production se fait en ordre dispersé, les négociants donnant du coton filé à tisser aux tisserands du Pays de Caux.
Bientôt, sous la pression de la concurrence anglaise, très en avance sur le continent, l’industrie se concentre dans des « moulins à coton », mus par la force hydraulique. Le coton filé sert également à faire des tresses pour fabriquer des mèches, des cordages marins ou d’ameublement

Alors, entre 1815 et 1820,  on construit quinze nouvelles filatures hydrauliques sur les rives du Cailly. En 1850, 51 filatures, 4 entreprises de tissage, 22 indienneries et 17 teintureries jalonnent la rivière. La Seine-Inférieure est à l’époque le premier département français pour cette industrie. La vallée du Cailly est un petit Manchester rouennais.

La concurrence des « mécaniques anglaises »

Des courroies transmettent le mouvement rotatif de l'axe

 

Ainsi la corderie Vallois, un ancien moulin à papier, est agrandie par Marie-Rose Fouquet en 1821 sur 4 étages à pans de bois de 17 m de côté, dotée d’une roue hydraulique puissante de 7,30 m de diamètre (toujours en activité aujourd’hui) et transformée en filature de coton. La matière première arrive au port de  Rouen, surtout en provenance des plantations du sud des États-Unis. À Rouen, c’est l’ère du coton roi, le King cotton …
La guerre de sécession (1860-65) provoque une crise d’approvisionnement et une reconversion temporaire dans le filé de laine.

Ainsi  Marie-Rose Fouquet agrandit  en 1821 la corderie Vallois, un ancien moulin à papier, et la transforme  sur 4 étages à pans de bois de 17 m de côté, en filature de coton. Elle équipe cette filature  d’une roue hydraulique puissante de 7,30 m de diamètre (toujours en activité aujourd’hui) . La matière première arrive au port de  Rouen, surtout en provenance des plantations du sud des États-Unis. À Rouen, c’est l’ère du coton roi, le King cotton …

 Mais la guerre de sécession (1860-65) provoque une crise d’approvisionnement et une reconversion temporaire dans le filé de laine. On revient par la suite au filé de coton dont la demande grandit.

Roue dentelée régulant le mouvement rotatif

Quelques détails Techniques

À la corderie Vallois, pas de machine à vapeur mais la force de l’eau de la rivière du Cailly. Pour éviter les à coups du mouvement rotatif dus aux variations du débit de la rivière et à l’inertie de la roue hydraulique, on met au pointun ingénieux système de roues intermédiaires. 

Le mouvement rotatif horizontal produit par la roue hydraulique est transmis par cette roue à engrenage, à l’extérieur des ateliers, à des roues actionnant des courroies de transmission, à l’intérieur . Ces courroies entraînent , grâce à des engrenages, un mouvement rotatif vertical aux machines à bobiner et tresser le fil de coton, situées en batteries, les unes à côté des autres, sur des broches.

Le filage est assuré par des bobines

… À LA CORDERIE VALLOIS (1880- 1978)

Jules Vallois rachète l’entreprise et la transforme en corderie, très productive puisqu’il importe de puissantes machines anglaises capables de produire du câble de coton de gros calibre et des tressés plus fins, dont l’industrie est alors gourmande.

Le coton provient des bobines de fil produites par d’autres usines de la vallée. L’affaire est florissante jusqu’à la crise économiques des années 1930. L’effectif est alors d’environ quarante ouvrières dans les ateliers.

Cependant, les conditions de travail des ouvrières y sont pénibles : semaine de cinquante heures, froid l’hiver, poussière et chaleur l’été. En outre, on les paie au rendement et à la quinzaine. Un climat paternaliste et bienveillant règne toutefois dans cette usine dont le patron, marqué par le christianisme social, cherche à améliorer l’ordinaire en attribuant des jardins potagers à cette main d’œuvre recrutée dans la vallée. Peu de conflits dans cette usine, malgré la rudesse des conditions de travail.

 

Machine à tresser
Bobines à filer

Que produisait-on à la corderie Vallois ? Essentiellement 3 produits :
– Les moulinés, par assemblage et torsion de fils de coton.
– Les câblés, par torsion de fils moulinés (câblés fins) ou de torons (gros câblés). Ces productions se faisaient au rez de chaussée sur des machines en fonte de fabrication anglaise
– Les tresses, par entrelacement de fils simples ou assemblés étaient produites au 1er étage sur des machines plus légères.

Ces produits servaient à la conception de divers articles. Le principal débouché était l’industrie textile des vallées rouennaises, gourmandes en cordes de coton pour les courroies de transmission (cordes à tambour et cordes à broches). Le mouliné était utilisé pour fabriquer le câblé fin, produit à la corderie. Mais il pouvait également être vendu aux tapisseries pour réaliser des tissages. Les années 1950 voient une diversification nécessaire des débouchés qui permet à l’usine  de produire à façon de la passementerie, de la bonneterie, des amarres, drisses et écoutes pour la marine de plaisance, des mèches à briquet et à bougies.

Aujourd'hui, un musée exemplaire

Les jardins

La concurrence des pays à bas coût de main d’œuvre, le développement des textiles artificiels réduisent la demande. Il ne reste plus que 10 ouvrières avant la fermeture de l’usine, en 1978.

Le site est sauvegardé (ainsi que son mobilier industriel), grâce à un classement en 1975 comme Monuments Historiques, un rachat du terrain à la famille Vallois par le syndicat intercommunal de Notre-Dame de Bondeville-Le Houlme en 1978. En 1989, la région décide d’en faire un musée d’archéologie industrielle, en recréant l’ambiance des ateliers  et en montrant le fonctionnement des  machines, assez sophistiquées. En 1994, le 1er musée industriel de France ouvre ses portes ; il est géré depuis 2016 par la Métropole Rouen-Normandie.

C’est un musée vivant : les machines tournent et donnent une très bonne idée du fonctionnement d’une usine textile utilisant l’énergie hydraulique (donc renouvelable).

Pour y aller :

Sources

Photos: Chantal Cormont, Corderie Vallois. Video : Gérard Grancher,

Réal E., Perrin-Lalouette X., La Corderie Vallois, Itinéraires du patrimoine, n°18, SRIHN, Rouen, 1996.
Alexandre A., La sauvegarde du patrimoine industriel : les actions d’une association dans l’agglomération rouennaise. Études normandes 50-1, 2001.
https://www.persee.fr/doc/etnor_0014-2158_2001_num_50_1_1401

https://corderievallois.fr/fr/le-musee
https://corderievallois.fr/fr/preparez-votre-visite

 

 

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